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SHAKA ZULU
(1886 - 1828)
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"Dans la victoire, disait Lénine, la première chose à éviter est l’euphorie du succès. De là à la suffisance et à la négligence, il n’y a qu’un pas."
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Origine du peuple zoulou |
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Zoulou “le ciel“, fils du chef N'guni Malandela, est l’ancêtre éponyme et fondateur du clan Amazoulou, "ceux du ciel", il aurait vécu sept générations avant Shaka.
Au temps de Malandela, il n'y a pas d'autorité centrale chez les Ngounis, un peuple d'origine bantou. Les clans sont des unités sociales déterminées par le lignage mâle, tandis que la souveraineté est collective, le pouvoir politique appartient au chef du clan le plus puissant. Les souverainetés sont de taille variable, allant d'une autorité exercée sur quelques centaines d'âmes à de vastes ensembles où des chefs subalternes se placent eux-mêmes sous le contrôle d'un “souverain en chef“. Les sphères d'influence s'étendent ou disparaissent en fonction des allégeances et de la rivalité des clans qui les constituent. A la mort d’un chef, ses fils peuvent quitter la famille pour fonder une nouvelle lignée, un nouveau clan.
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Jeune Guerrier Zoulou
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Shaka ou Chaka, suivant de quel côté on se situe de l’English Channel. |
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Shaka est le premier fils de Senza N'Gakona (celui qui agit pour de bonnes raisons) le chef du clan Ifénilenjas, clan subalterne chez les Abatetwas. Elevé par son père, puis en compagnie de sa mère, Nandi, par son grand-père, il est sans cesse en butte aux mauvais traitements infligés par les autres enfants, qui lui reprochent sa qualité de bâtard.
Son père l’envoie chez Ngomane, un des chefs de la tribu des Mtetwas.
L’homme les accueille lui et sa mère avec bonté. Reconnaissant, Shaka en fera plus tard son second.
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Le village reconstitué de Shakaland. Au centre des cases, le Kraal, l'enclos pour les bêtes.
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En quelques années, le frêle enfant devient un jeune homme d’une remarquable habileté et d’une force surprenante. Shaka intègre l’armée de Dinguiswayo, le souverain Abatetwa et en devient rapidement le meilleur des guerriers. Sa réputation s’étend chez tous les N'gunis et même au-delà chez les ennemis Ndwandés, d’autant que ses prodigieuses qualités au combat se doublent d’un charisme peu commun. Très vite, il accède au rang de second du puissant Dinguiswayo.
Son père, qui l’avait éloigné pour ne pas déplaire à ses femmes légitimes, en fait son successeur. Mais à sa mort, Sijuana, l’héritier légitime et demi-frère de Shaka, prend la tête du clan. Shaka organise un complot et l’assassine alors qu’il prend un bain. Plus rien n’empêche le redoutable guerrier d’être à son tour proclamé chef du clan des Ifénilenjas, d’autant qu’il est appuyé par Dinguiswayo.
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Lors d’une attaque des Ndwandés, Dinguiswayo est tué et l’ensemble de son territoire conquis. Aussitôt les régiments (impis) élisent Shaka comme chef souverain. Les Ndwandés sont massacrés et le jeune chef assied plus encore sa légitimité et sa légende.
Admiré pour son incroyable énergie et craint pour son inaccessibilité à la pitié, Shaka le chef de guerre est à présent reconnu comme le chef des Zoulou mais aussi par la plupart des tribus N'gunis.
Il règne, alors, sur un territoire d’environ 100 000 km2.
Très vite, ambitieux et friand de conquêtes, le jeune chef se singularise par ses orientations.
Vraisemblablement, parce qu’enfant, il a beaucoup subit de brimades et qu’à cette époque de migration bantou vers le sud les guerres sont incessantes entre peuples, tribus et bien entendu contre ou avec les trafiquants d’esclaves qui hantent les côtes d’Afrique orientale, Shaka, en despote éclairé et impitoyable, décide de faire des Zoulous :
Le peuple de guerriers.
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Guerrier Zoulou
Fin XIXe
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Toute la société est basée sur l’armée, la guerre et son chef. Il supprime la plupart des rituels, en particulier d’initiation qu’il remplace par une préparation militaire. Les classes d’âge sont intégrées à des régiments successifs, on sert de 16 à 40 ans. La traditionnelle notion de famille s’efface devant l’art militaire. Le mariage n’est toléré qu’entre 30 et 40 ans, mais peut être accordé en bloc aux régiments (1000 hommes) les plus braves.
Les hommes mariés servent dans des unités différentes des célibataires.
Les femmes servent également, bien que le plus souvent à l’intendance.
La nourriture est essentiellement composée de viande, la consommation de lait est sévèrement rationnée, une boisson pourtant très prisée chez ce peuple à l’origine pasteur et nomade.
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Maison de chef zoulou reconstitué pour les besoins d'un tournage
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Les sandales, peu en vogue, sont supprimées, elles ralentissent les mouvements.
Entre deux périodes de guerres, les combattants sont soumis à un entraînement quotidien et rigoureux. La militarisation de la société est poussée à l'extrême.
Shaka n’accorde aucune pitié en cas d’échec. Au combat, un guerrier qui recule ou perd son arme est exécuté. Les chefs de régiments, les Indounas, s’ils ont failli ou reviennent sans butin peuvent être “avalés “, éliminés, parfois avec leurs hommes.
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Une fois les règles établies, Shaka révolutionne l’armement et la stratégie. Il remplace la sagaie, la lance, que l’on projette de loin, par une sagaie courte avec une lame très large qui oblige au corps à corps, à l’offensive permanente. Sa stratégie de bataille dite “en tête de Buffle“ consiste à scinder ses troupes en 4 corps, deux ailes (les cornes) et deux corps centraux (le crâne, et les buffles ont un gros crâne). Ensuite, mouvements tournants et troupes fraîches intervenant au moment crucial dictent le plan de bataille de ce stratège digne de Sun Tse ou de Clausewitz.
Dès l'année 1819, la nation zoulou, nouvellement forgée, est la nation la plus importante et la plus peuplée jamais présente en Afrique australe. Rien ne résiste à son armée qui compte jusqu’à 100 000 hommes.
Shaka pousse ses conquêtes à la fois vers l’ouest et le sud.
A l’ouest, les Sotho et les Bechuana sont boutés vers les confins du désert du Kalahari.
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Femme Zoulou
en costume traditionnel
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Au sud, l’issue des combats est un peu différente. Les Tembou, les Pondo et les Xhosa, sont balayés. Les vieillards sont tués, mais les femmes et les jeunes peuvent intégrer l’armée zoulou. Pour cela, ils doivent abandonner leur nom, leur langue, s’initier aux us et coutumes et se fondre dans le peuple élu.
On désigne à présent Shaka par son titre de “Bayété“, celui qui se teint entre dieu et les hommes.
Après quatre ans de campagne, en 1820, Shaka a conquis un territoire grand comme la France. Le nombre de ses victimes directes ou pas se monte selon certains historiens à 2 millions d’individus. Pour les peuples non zoulou, le temps des mfecanes, les grandes migrations imposées est venu. Mfecane signifie en zoulou : le temps des grandes calamités.
Mais la soif d’expansion de Shaka en même temps que sa dérive tyrannique voire par certains aspects psychotique qui affecte son propre peuple, vont précipiter son déclin.
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Le jour dit du “massacre des couards“ va être un détonateur pour ce mouvement de défiance des Zoulou envers leur chef. Au retour d’une expédition, Shaka fait exécuter un nombre extravagant de ses guerriers accusés d’avoir reculé ou perdu leur arme. Lassés ou effrayés, certains parmi ses plus fidèles lieutenants l’abandonnent. Le clan de Zwidé, les Ngoni (sans U) prend la direction du nord et fonde le peuple des Angoni près du lac Nyassa, un autre avec à sa tête Mzilikazi part vers le sud de l’actuel Zimbabwe où il est à l’origine des redoutables Matabélé (Ndébélé).
En 1824, venu du Cap, un aventurier Henry Francis Fynn puis un officier britannique le lieutenant Francis George Farewell accompagné d'un petit groupe d’européens fondent un petit comptoir à Port Natal (futur Durban). Ils cherchent ensuite à s'assurer des droits commerciaux et diplomatiques avec le puissant roi zoulou.
En août 1824, Shaka malade les accueille dans sa capitale Oumgounggoundlovou, “pareille à l’éléphant“.
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Yousef Karsh : Ulla Jacobson, actrice dans Zulu et 2 figurantes - 1963
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Les Européens parviennent à le guérir et Shaka reconnaissant leur accorde par traité la “souveraineté“ sur Port Natal et ses environs. De retour à Port Natal, les blancs hissent l’Union Jack (le drapeau britannique) et prennent formellement possession de la terre au nom de la Grande-Bretagne. Shaka avait donc par gratitude renoncé à sa souveraineté en faveur du roi George IV, On peut douter que telle fut son intention. Mais les dés étaient jetés...
Quand Nandi, sa mère, meurt en 1927, Shaka fait exécuter 7000 personnes et décrète l’interdiction pour les gens mariés de vivre en couple durant un an et pour tous de boire du lait.
Sa mort en 1828 est un mystère, poignardé par Dinguane, son demi-frère ou victime d’un complot mené par ce dernier et Mzilikazi, le roi des Ndébélé ? Toujours est-il que la puissance des amulettes dont il aimait se parer fut sans effet contre la volonté d’autres hommes aidés peut-être par les esprits de la concorde et de la bienveillance.
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Petit clan d’environ deux cents foyers à la naissance de Shaka, les Zoulous ont connu une expansion extraordinairement rapide avec les guerres de conquête et surtout l’intégration de nombreux peuples conquis. Aujourd’hui, les locuteurs zoulous sont plus de dix millions, le groupe linguistique le plus important d’Afrique du Sud.
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Ceci flatterait certainement l'égo du Grand Shaka. |
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Quant à cela, initialement le décor d'une série TV, c’est à présent un village mi-réel, mi-fictif où les zoulou accueillent les touristes.
Shakaland, fallait y penser, non ?
Je pose ma tête sur quel billot ?
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Shaka, précurseur de la protection de la Nature. |
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"Les premières aires protégées furent proclamées par le roi Shaka, au XVIIIe, entre les rivières Black Mfolozi et White Mfolozi. En d'autres mots, la protection des animaux était assurée en ce temps où la terre était sous le contrôle des communautés et du roi"
Cet espace était réservé à la chasse royale.
Les Zoulou avaient en effet une relation toute particulière avec leur environnement direct. L’écologie africaine prône une relation de proximité entre les hommes et la nature, c’est le principe "d'ubuntu", qui implique que la communauté toute entière utilise et préserve les ressources naturelles données par Dieu. Ainsi, attend-on de chacun des membres qu’il utilise les ressources naturelles pour le bénéfice de sa famille et de la communauté toute entière. Les personnes et la nature sont donc perçues comme un continuum inséparable et ne sont pas deux réalités indépendantes et opposées. Une idée qui sera mise à mal, par les colons européens, avant de revenir, non sans réticence, sur le devant de la scène avec les grandes réserves et les parcs nationaux à la fin du XXe siècle.
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Shaka - Quand le cinéma et télévision s ‘empare d'un mythe, vive la lecture ! |
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Après le bien connu Zulu (sans Shaka) en 1963, et un autre film (Shaka Zulu) en 1986, une mini série est tournée pour la télévision.
Tournage sur place avec une distribution “prestigieuse“ qui a dû engloutir l’essentiel du budget. J’imagine qu’il ne restait plus un rand pour les payer puisque de 4 à 17 figurants jouent dans les très rares scènes de bataille le rôle des 20 à 100 000 guerriers de Shaka. Hasselhof semble être perclus de rhumatismes (la rouille !). Les scénaristes doivent vivre reclus à Hollywood. Henry Cele qui joue le rôle de Shaka a l’air de se demander ce qu’il fait là tout en roulant des yeux pour exprimer à quel point son personnage est habité. Plastique mais figée, même la belle Grace Jones ne m’a pas séduit. Bref, ce monumental navet m’a énervé pendant 30 minutes avant que j’éteigne ma TV pour écrire cette page.
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Si vous voulez en savoir plus sur Shaka, lisez les bouquins de Mofolo et de N’diaye ou relisez “Les Ethiopiques“ de Senghor, qui s’est servi du personnage de Shaka pour une de ces brillantes métaphores littéraires.
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Shaka interprété par Henry Cele
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“Shaka Zulu“de Thomas Mofolo (1876-1948) est le premier roman écrit dans une langue africaine traditionnellement non écrite, en l’occurrence le sesotho. Ecrit en 1911, il est publié en 1925 puis traduit en anglais, dans une version largement édulcorée “Shaka, An Historical Romance“, en 1931. Puis, enfin en version intégrale traduite par Daniel P. Kunene en 1981.
C’est un bon roman !
En français
“Chaka Zulu“ ou “Chaka, une épopée bantoue“ (suivant les éditions) traduit par V. Ellenberger, Gallimard, 1940, préface de Zakea Mangoaèla nouvelle édition : Gallimard, « L’Imaginaire » n°84, préface de J.-M.-G. Le Clezio, 1981, 280 p.
C’est aussi un bon roman !
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Beaucoup plus sérieux, et plus intéressant encore :
“L’Empire de Chaka zoulou“ de Tidiane N’Diaye
Edition : L’Harmattan - collection Etudes africaines 2001
ISBN : 2747519201 |
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